"Maintenant je suis pressé pour rien. Les projets cela rate si souvent et les meilleurs calculs qu’on fait ; tandis qu’en profitant des hasards et en travaillant au jour le jour sans parti-pris on fait un tas de choses imprévues."
Lettre à Emile Bernard, septembre 1888 - Van Gogh
Se découvrir de quelques fils…
En avril, j’ai eu beau planifier toute une série de concerts et décider de respecter le vieil adage qui nous invite à garder nos pelures d’oignons sur le dos, mon programme de « live » n’a cessé d’être chamboulé, pour finalement laisser place à d’autres aventures inattendues, comme cette belle rencontre avec Minino Garay et ses « Frapadingos ».
Quant au mois de mai, il a continué sur le chemin du lâcher-prise, à l’occasion de mon 3ème « Nomad project » qui s’est tenu à Zürich, sous l’égide du minimalisme.
Je dédie donc cette lettre aux imprévus, qui en nous sortant de notre zone de confort nous offrent l’occasion de nous dépasser, et d’accéder à des émerveillements insoupçonnés.
Chassé-croisé de concerts…
Deux concerts prévus en avril ont dû être reportés (mille excuses pour ceux qui souhaitaient y assister)…
* concert aquitain du 18 avril avec Ptäh, le groupe avec lequel nous reprenons le répertoire de Magma.
* concert parisien du 19 avril avec So Ouatte, mon duo jazz avec le guitariste Robin Nitram.
…mais heureusement vous pourrez retrouver ces 2 projets sur scène très vite !
Une belle rencontre avec Minino Garay et ses « Frapadingos ».
Qui ? Si vous ne connaissez pas encore le grand percussionniste argentin Minino Garay, allez d’urgence écouter sa musique. Arrivé directement de sa ville natale, Córdoba (Argentine), à Paris il y a environ 30 ans, Minino a su fusionner les rythmes traditionnels latins avec d’autres musiques telles que le jazz.
L’imprévu d’une rencontre : c’est grâce à une amie, Shwu alias « Shwu-Chou », que j’ai rencontré Minino lors d’un concert au New Morning le 14 avril dernier. Il y jouait un hommage à Carlos Gardel dans un quartet chapeauté par l’accordéoniste Lionel Suarez.
J’ai été immédiatement transportée par l’énergie débordante de cet homme qui joue avec le coeur. Est-ce l’assurance avec laquelle il déclamait de magnifiques textes en espagnol à la gloire du tango ? Ou bien son jeu si personnel sur des percussions traditionnelles ? Toujours est-il que Minino, à la manière d’une madeleine de Proust, m’a rappelée à mes errances latino-américaines, et à cette connexion lumineuse que j’ai tant de fois ressentie en arpentant la cordillère des Andes. Une connexion directe et joyeuse entre le cœur et les notes qui s’échappent de nous. Entre l’âme et la musique qui l’exprime. Entre l’homme et le monde qui l’entoure.
À l’issue du second set, j’ai donc couru, sourire aux lèvres, le féliciter. Le lendemain de cet échange, Minino m’invitait à partager la scène de « Frapadingos » le jeudi suivant. Fou.
Frapadingos, c’est un groupe de 12 percussionnistes venus de Cuba, du Brésil, d’Argentine et du Pérou, dont Minino est le chef d’orchestre dansant mais ferme. Toujours ouverts à l’improvisation, les membres de l’ensemble accueillent sans mal des invités de tous horizons, et c’est ainsi que j’ai pu embarquer dans l’aventure, avec l’aide précieuse (et harmonique) de Pájaro Canzani à la guitare électrique et Diego Bravo aux claviers.
Le 10 mai au soir, je prenais un avion direction Zürich, petit paradis helvète où allait se dérouler mon 3ème « Nomad project ».
Je partais pour y retrouver Klara Germanier, une amie guitariste rencontrée à Boston l’été dernier, sur les bancs de la Berklee College of Music.
Klara avait tout de suite débordé d’enthousiasme quand je lui avais expliqué le concept de ce projet nomade auquel je tiens tant, et j’avais hâte d’en peindre un nouveau volet avec elle. Le concept : organiser un concert lors duquel je rencontre sur scène, sans répétition préalable, des musiciens locaux dans un endroit qui ne m’est pas familier (ville ou pays étranger). L’objectif : partager un moment unique avec le public et les musiciens, où l’écoute atteint son maximum, où tout peut arriver, où il devient inutile de chercher à cacher nos faiblesses car elles sont si naturellement exposées qu’elles deviennent partie intégrante du projet. Vecteurs de sincérité. Forces.
Un projet qui met également l’accent sur l’expérience musicale vécue en live, et l’interaction du groupe avec son public et le lieu qui l’accueille.
S’ouvrir à l’inconnu.
Accueillir le hasard.
Se laisser porter par les rencontres et la vie.
S’abandonner au monde.
Chaque « Nomad project » se développe ainsi à sa façon, au contact des artistes avec lesquels il se développe, et de la ville et du public qui l’accueillent.
Pour cette édition, seule la date était fixée : le 12 mai. Et je restais quelques jours pour passer du temps en compagnie de Klara et découvrir la ville.
Nous avons beaucoup parlé tout en explorant Zürich, et un thème de discussion majeur s’est imposé à nous : le minimalisme, cet art de se concentrer sur l’essentiel. Klara se prépare actuellement pour un voyage imminent au Japon, où la jeune génération est traversée par un courant minimaliste depuis le début des années 2010 ; quant à moi, je fais actuellement « le tri » dans mon appartement, et ne cesse de lire sur le sujet depuis un bon mois – je recommande d’ailleurs chaleureusement, si ce thème vous intéresse, le magnifique livre de Dominique Loreau, L’art de l’essentiel, qui m’accompagne au quotidien.
Ces discussions nous ont amenées à nous interroger sur ce qui serait un format de concert « minimaliste », et nous sommes lancé ce défi : ce Nomad Project serait entièrement acoustique, et nous intégrerions, autant que nos instruments habituels, des éléments de musique plus « simples » et épurés : les percussions corporelles et la voix.
Ce format nous permettant d’être mobiles, nous pouvions donc jouer ce projet n’importe où, et le soleil étant radieux ce week-end là, nous avons décidé d’effectuer notre concert en extérieur, au bord de la rivière Limmat, qui s’écoule jusqu’au lac de Zürich. Et pour que l’expérience soit encore plus belle, nous avons accueilli pour l’occasion la chanteuse Elena Sommacal, avec laquelle Klara a fondé le groupe Pistache Music.
En attendant un petit résumé vidéo de ce projet, voici une image de notre concert du 12 mai…
Et je vous donne rendez-vous en juillet à Chypre pour le prochain « Nomad Project » !
Un nouveau venu dans notre duo So Ouatte : Bruno le Ukubanjo.
Le duo jazz « So Ouatte », que nous avons formé en 2016 avec Robin Nitram, évolue depuis quelques mois déjà : de plus en plus nous intégrons à notre répertoire de standards de jazz des compositions personnelles, des paroles revisitées en français, et des arrangements bien à nous. Quelques morceaux pop et funk commencent à se glisser également dans notre « setlist », et pour apporter une touche un peu folk, un invité de 91 ans, Bruno, nous rejoint maintenant sur quelques morceaux.
Bruno, nous l’avons rencontré à Brooklyn, lors d’un voyage à New-York. Ce n’est ni un ukulele, ni un banjo, mais tout ça à la fois. Au son unique et au format de poche, il m’accompagne un peu partout depuis que je l’ai adopté, et si j’aime bien l’appeler « Ukubanjo« , comme mes amis de la boutique Retrofret où je l’ai déniché, certains argumenteront qu’il serait plus juste de parler de « banjolélé ».
Je vous laisse vous forger votre opinion.
Pour découvrir Bruno, venez au prochain concert de So Ouatte, il sera ravi de vous rencontrer, et nous de vous voir !
So ouatte en images :
C’est la fin de cette lettre. Je cours maintenant préparer les concerts et surprises du mois de juin !
A très bientôt, et merci d’avoir pris le temps de me lire 🙂